Werner MORON est un artiste multiforme et multidisciplinaire, son oeuvre échappe à tout classement rapide. Pour lui, l’art est une manière d’être, de révéler aussi ce que l’on ne parvient plus à voir et d’agiter des idées. Il est représentatif de ces artistes qui (comme les pionniers Wolf Vostell, Nam June Paik, Vito Acconci , Merce Cunningham…) utilisent les nouvelles technologies et recourent aux arts numériques, en les détournant, pour retranscrire et pérenniser des expériences dans des installations performatives. Cette forme d’expression artistique met en scène des actes ou des événements impliquant généralement la participation du spectateur. Essentielle à la compréhension de l’art contemporain, elle se situe au confluent des arts plastiques et des arts vivants, en ce qu’elle intègre dans sa structure la participation de l’être humain et le développement d’une action dans un temps et un lieu déterminés. Dans cette perspective, le dispositif technologique devient un instrument de communication avec le spectateur, s’adressant à lui directement ; le corps est au centre de l’installation, mis en scène de manières multiples, dans un système de face à face. L’art n’est pas conçu par Werner Moron comme un univers clos, mais comme un instrument pour appréhender et transformer le monde qui nous entoure. L’expérience artistique est bel et bien étendue à l’échelle de la vie. L’art possède une « valeur d’usage » et le corps est son medium privilégié. Catherine Legallais, historienne de l’art.
L’œuvre, Le Wall Street de nos désirs et de nos désullusions, est un dispositif interactif qui se conçoit comme une véritable banque symbolique dans laquelle le public est invité à venir déposer des « valeurs » sur un « compte commun » afin de les faire fructifier dans la société. Il s’agit de valeurs non marchandes, humanistes, destinées à améliorer un « vivre ensemble », à refonder une société sur des bases autres que celles qui ont encore cours dans le système économique actuel. Quand la valeur déposée par le visiteur s’avère statistiquement trop faible, c’est-à-dire avec une cotation exclusivement négative, la banque propose alors de réinvestir sur des alternatives qui permettraient à cette valeur de remonter. Il s’agit en quelque sorte de «doper » la valeur par des exemples positifs, des actes créatifs, audacieux, et de susciter ainsi un nouvel élan. Cette démarche implique de la part des « clients » un véritable engagement dans l’optique de tendre vers une société plus participative où l’homme reformule ses valeurs. Chacun doit s’interroger sur les valeurs constructives qu’il estime déficientes dans une société « en crise». Comme à la bourse, des graphiques indiquent en temps réel la cote des différentes valeurs déposées et permettent de visualiser si celles-ci se situent à la hausse (désirs) ou à la baisse (désillusions). Le Wall Street crée une « bourse » où le propos de chacun a une valeur propre. Il s’agit en quelque sorte d’expérimenter la valeur symbolique de l’art et d’en mesurer intimement les effets. Le dispositif se présente sous la forme d’un site web et d’une installation comprenant 9 écrans interactifs.